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Confirmation des contrats conclus hors établissement : le changement de cap de la Cour de cassation

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Confirmation des contrats conclus hors établissement : le changement de cap de la Cour de cassation
Charlize D/peopleimages.com/AdobeStock

Qui n’a pas été démarché par des entreprises proposant l’installation de panneaux photovoltaïques avec des arguments de vente tous plus séduisants les uns que les autres ? Bien que le droit de la consommation impose aux professionnels qui concluent des contrats hors établissement des obligations informatives renforcées, il n’est pas rare que ceux-ci ne délivrent qu’une information a minima. La violation des obligations d’information est sanctionnée pour les contrats hors établissement par la nullité (C. consom., art. L. 242-1). Mais le droit de la consommation rencontre dans ce cas le droit commun de la confirmation en cas d’exécution volontaire d’un contrat en connaissance du vice qui l’affecte (C. civ., art. 1182). Après avoir un temps reconnu très facilement la confirmation tacite des contrats hors établissements irréguliers, la Cour de cassation vient d’opérer un revirement de jurisprudence. Elle juge désormais que « la reproduction même lisible des dispositions du Code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d’avoir une connaissance effective du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat (…) ». L’objet de l’article qui suit est non seulement l’étude de cette nouvelle solution mais aussi son impact réel en pratique.

Cass. 1re civ., 24 janv. 2024, no 22-16115

Ces dernières années, la hausse du prix du gaz et de l’électricité a rendu les énergies renouvelables, comme l’énergie solaire, encore plus attractives. À côté de l’objectif écologique louable, on compte aussi des considérations économiques indéniables. Des entreprises de plus en plus nombreuses proposent la fourniture et la pose de panneaux solaires à grand renfort de promesses d’économies. La loi du 24 juillet 2020 ayant interdit le démarchage téléphonique en matière de rénovation énergétique1, certains professionnels n’hésitent pas à démarcher les particuliers à leur domicile, conduisant à la conclusion de contrats hors établissement le plus souvent financés par un crédit affecté.

Souvent déçus par le rendement ou les performances des installations, les consommateurs se rendent compte qu’ils ont peut-être cédé un peu rapidement à l’argumentaire des vendeurs, mais la période de rétractation est bien souvent expirée et l’installation terminée. Leur planche de salut réside alors dans la remise en cause du contrat en invoquant un vice de forme et notamment le non-respect par le professionnel de ses obligations d’information. Effectivement, pour les contrats conclus hors établissement ou à distance, l’article L. 221-5 du Code de la consommation impose au professionnel de communiquer au consommateur un certain nombre d’informations qui doivent être réitérées par écrit dans le contrat. S’agissant des contrats hors établissement, cette obligation est sanctionnée par la nullité relative du contrat (C. consom., art. L. 242-1).

Toutefois, les professionnels ne sont pas dénués d’arguments en réponse. Principalement, ils soutiennent que leurs clients ont exécuté le contrat en connaissance du vice dont il était affecté et l’ont donc confirmé, ce qui leur ferme la voie d’une action en nullité.

L’affaire commentée n’aurait pu être qu’une espèce de plus dans un contexte de contentieux extrêmement fourni tant la situation est désormais devenue banale.

Un consommateur est démarché à son domicile par la société Eco Environnement qui propose la vente et la pose de panneaux photovoltaïques. Un contrat est conclu hors établissement le 7 avril 2016. Le même jour, le consommateur souscrit un contrat de crédit affecté auprès d’un organisme de crédit pour financer l’installation.

Se prévalant de l’irrégularité du bon de commande tenant à l’absence de certaines informations pourtant prescrites par la loi, le consommateur assigne la société et la banque pour obtenir la nullité du contrat principal et du crédit affecté. La cour d’appel donne gain de cause au consommateur. Le vendeur et la banque se pourvoient en cassation en invoquant la violation de l’article 1138 du Code civil applicable au jour de la conclusion du contrat en avril 2016, soit avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations. On déduisait de ce texte qu’une obligation pouvait être valablement confirmée tacitement si deux conditions cumulatives étaient réunies. Il fallait que la personne qui aurait pu agir en nullité ait exécuté le contrat tout en étant parfaitement consciente du vice dont il était affecté.

Il semble qu’en l’espèce l’acquéreur ait parfaitement exécuté le contrat mais il restait à établir la seconde condition. Pour ce faire, le pourvoi s’appuyait sur une jurisprudence qui semblait établie et que la Cour de cassation rappelle2. En effet il semblait acquis, surtout après un arrêt du 31 août 2022, que la reproduction lisible dans un contrat conclu hors établissement des dispositions du Code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat permettait au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de leur inobservation. Or, le vendeur soutenait qu’au verso du bon de commande, les conditions générales de vente reproduisaient de manière lisible les dispositions des articles L. 111-1, L. 111-2, L. 121-17, L. 121-18, L. 121-18-1, L. 121-18-2, L. 121-19-2, L. 121-21, L. 121-21-2 et L. 121-21-5 du Code de la consommation. C’est-à-dire toutes les dispositions relatives au formalisme informatif du consommateur dans le cadre d’un contrat conclu hors établissement.

Cependant, contre toute attente, la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle commence par justifier très précisément son changement de position et juge « désormais que la reproduction même lisible des dispositions du Code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d’avoir une connaissance effective du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l’absence de circonstances, qu’il appartient au juge de relever, permettant de justifier d’une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l’envoi par le professionnel d’une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l’article 1183 du Code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable, en vertu de l’article 9 de cette ordonnance, aux contrats conclus dès son entrée en vigueur ».

C’est donc un changement de cap radical (I) mais qui se justifie et dont la Cour de cassation tire les conséquences immédiates. À plus long terme, cette nouvelle jurisprudence va probablement conduire à un déplacement du contentieux portant sur la pertinence des informations manquantes et souhaitons-le, à un comportement plus vertueux des professionnels du secteur (II).

I – Un changement de cap radical

La Cour de cassation prend le contrepied radical de ce qu’elle jugeait jusqu’alors. La simple reproduction des articles du Code de la consommation au dos d’un bon de commande qui par ailleurs ne les respecte pas ne suffit plus à caractériser la connaissance par le consommateur des vices dont le contrat est affecté. Par conséquent, en l’absence d’autres éléments permettant de justifier d’une telle connaissance, l’exécution du contrat par le consommateur ne lui ferme plus la porte d’une action en nullité. Cependant, la Cour de cassation prend soin ici de se justifier. Et, dans un deuxième temps, elle livre un message important aux professionnels. La confirmation peut passer par l’action interrogatoire.

A – Un revirement dicté par les impératifs de protection du consommateur

Certes, dans un premier temps, la Cour de cassation reconnaît que la solution antérieurement retenue était motivée par la nécessité d’assurer une certaine sécurité juridique, notamment vis-à-vis des prêteurs qui accordent un crédit affecté au financement de l’opération contestée. En effet, en cas d’annulation du contrat principal, le crédit affecté est nécessairement anéanti puisque l’opération est perçue comme une opération commerciale unique qui implique une interdépendance entre contrat financé et contrat de financement3.

En d’autres termes, il s’agissait d’empêcher certains consommateurs de se soustraire un peu facilement à une opération perçue comme insuffisamment rentable en invoquant un vice de forme alors que le contrat avait par ailleurs été exécuté. Mais cette rigueur n’était pas vraiment compatible avec les impératifs de protection du consommateur, comme le reconnaît la Cour de cassation au point 9 de son arrêt.

De fait, une telle position avantageait les professionnels qui pouvaient se contenter de reproduire des articles du Code de la consommation sans les respecter4. En outre, c’était faire peser sur le consommateur une sorte de présomption de connaissance du vice qui n’était pas forcément effective alors que celui-ci n’a pas nécessairement l’âme d’un juriste pour décortiquer les articles du code reproduits dans son contrat afin de vérifier que le professionnel n’a omis aucune mention informative. Par ailleurs, une telle présomption ne se concilie guère avec le principe de l’article L. 221-7 du Code de la consommation selon lequel la charge de la preuve de l’accomplissement par le professionnel des obligations légales d’information qui lui incombent pèse sur ce dernier5.

Enfin, loin de tarir le contentieux, cela n’a fait que déplacer le problème sur l’exhaustivité des textes reproduits6. À cet égard, on citera un arrêt de la Cour de cassation rendu le 1er mars 2023 dans lequel elle avait censuré pour manque de base légale la décision d’une cour d’appel qui s’était contentée d’exclure la confirmation tacite du consommateur en retenant que la reproduction des textes au verso du bon de commande était insuffisante à caractériser la connaissance du vice, sans « rechercher si les dispositions de ce code reproduites sur le bon de commande n’étaient pas précisément celles qui fixaient les règles dont l’inobservation fondait la demande d’annulation formée par les consommateurs »7.

Les juges du fond n’ont d’ailleurs pas toujours suivi à la lettre cette solution. La Cour de cassation dans sa démarche de motivation enrichie ne cite pas moins de 17 arrêts de cours d’appel pour démontrer que sa jurisprudence avait fait l’objet d’une approche parfois divergente. Certaines cours d’appel s’en tenaient à la vérification de l’exhaustivité des textes reproduits, d’autres conservaient une approche in concreto de la connaissance du vice par le consommateur ou refusaient simplement et plus radicalement de reconnaître que la reproduction contractuelle intégrale des articles du Code de la consommation fixant les obligations d’information dans le cadre d’un contrat hors établissement ne peut suffire à caractériser la connaissance du vice au moment de l’exécution du contrat, ce qui exclut toute confirmation tacite.

Il faut enfin souligner qu’un auteur8 avait remarqué avec finesse que la confirmation devrait passer par une exécution volontaire en connaissance de cause, et que la notion d’exécution volontaire devrait être interprétée à la lumière de l’action interrogatoire de l’article 1183 du Code civil. Certes, à l’époque des faits, ce texte n’était pas applicable. Pourtant, c’est bien l’action interrogatoire que la Cour de cassation préconise pour asseoir la connaissance du vice par le consommateur au moment de l’exécution du contrat.

B – La confirmation désormais appréciée in concreto notamment au regard de l’article 1183 du Code civil

Pour la Cour de cassation, il appartient désormais aux juges du fond de rechercher in concreto si des circonstances justifient que le consommateur avait connaissance des irrégularités affectant le contrat au moment de son exécution et elle ajoute que de telles circonstances pourraient « résulter, en particulier, de l’envoi par le professionnel d’une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l’article 1183 du Code civil, dans sa rédaction issue l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable, en vertu de l’article 9 de cette ordonnance, aux contrats conclus dès son entrée en vigueur ».

On sait effectivement que l’ordonnance du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, a introduit à l’article 1183 du Code civil une action interrogatoire. Cette action permet à une partie de demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat, soit d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion, étant précisé par le texte que l’écrit doit indiquer qu’à défaut d’action en nullité exercée avant l’expiration du délai de six mois, le contrat sera réputé confirmé.

Pour ce qui concerne l’affaire commentée, le contrat avait été conclu le 7 avril 2016, date à laquelle le texte ne pouvait s’appliquer puisque l’ordonnance est entrée en vigueur le 1er octobre 20169. Mais, la Cour de cassation va plus loin. Au point 14, elle considère qu’il est opportun « d’uniformiser le régime de la confirmation tacite et de juger ainsi dans les contrats souscrits antérieurement comme postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ».

Désormais les choses semblent claires. Les professionnels qui voudront sécuriser leur contrat devront interpeller leur cocontractant afin que celui-ci confirme le contrat ou agisse en nullité dans les six mois. Autant dire que cela devrait inciter les professionnels à la plus grande vigilance car pour que l’action interrogatoire puisse conduire à la confirmation tacite du contrat, encore faut-il, selon l’article 1183, que la cause de nullité ait cessé10. Autrement dit, le vendeur devra révéler au consommateur les vices affectant le contrat, probablement en précisant les informations omises.

Ainsi par exemple, le professionnel ayant oublié d’annexer au contrat un formulaire de rétractation pourrait effectivement réparer son omission et indiquer au consommateur qu’il peut agir en nullité pendant six mois ou ratifier le contrat en s’abstenant d’agir. Certes l’envoi du formulaire de rétractation devrait dans une telle situation ouvrir un nouveau délai de rétractation de 14 jours (C. consom., art. L. 221-20, al. 2) mais le consommateur peut préférer la voie de la nullité surtout s’il a laissé passer le délai. À cet égard, la Cour de cassation considère dans un tel cas que l’action en nullité est ouverte, et ce, peu important que la rétractation soit encore possible11.

Toutefois, en pratique, les choses ne seront peut-être pas aussi simples qu’il n’y paraît. Notamment lorsque le consommateur est susceptible de se plaindre de la violation de l’article L. 221-5, 1° qui prescrit d’informer le consommateur quant aux caractéristiques essentielles du bien ou du service. Ce qui peut paraître essentiel au consommateur ne l’est peut-être pas du point de vue du droit ou de l’approche qui en est faite par la jurisprudence. Dès lors, le contentieux pourrait se cristalliser sur l’appréciation des caractéristiques essentielles du bien. De même l’article L. 221-5, 2° impose une information sur le prix mais jusqu’où faut-il pousser le détail ? La même remarque pourrait être faite sur les délais de livraison que l’article L. 221-5, 3° impose au professionnel de communiquer à son client.

On pourrait donc craindre un déplacement du contentieux sur l’appréciation de la pertinence des informations transmises au consommateur pour en vérifier la suffisance.

II – Un risque de déplacement du contentieux sur la pertinence des informations transmises au consommateur

La question de savoir où mettre le curseur dans le détail des informations dues au consommateur qui a conclu un contrat hors établissement portant des installations photovoltaïques doit être posée. Seule une clarification de l’étendue de l’obligation d’information des vendeurs permettra de sécuriser les transactions. En effet, comment avertir le consommateur d’un vice pour sécuriser le contrat par le biais d’une action interrogatoire si le professionnel n’a pas véritablement conscience qu’une information qu’il croit avoir transmise est en réalité insuffisante ? En outre une telle clarification pourrait sur le long terme considérablement diminuer les opportunités ouvertes aux consommateurs de remettre en cause le contrat puisqu’ils seront, espérons-le, parfaitement informés, et qu’ils ne pourront plus invoquer l’irrégularité du contrat au moins sur le fondement de l’article L. 221-5 du Code de la consommation.

Pour le moment, à défaut d’un texte, seule l’étude de la jurisprudence permet de fournir une grille de lecture de l’article L. 221-5.

On s’en tiendra aux principaux griefs qui reviennent régulièrement dans les affaires impliquant les vendeurs de panneaux photovoltaïques et les consommateurs, à savoir un manque d’information sur les caractéristiques essentielles des installations, ou bien encore une information incomplète sur les prix ou les délais de livraison. Sur les deux derniers points, l’étude d’arrêts récents tend à apporter une réponse ; en revanche une clarification est encore nécessaire s’agissant de la notion de caractéristique essentielle.

A – Les réponses apportées en matière d’information sur les prix et les délais de livraison

L’information des délais de livraison peut poser problème lorsque le professionnel s’engage à livrer et poser des panneaux solaires mais que d’autres prestations sont prévues comme le raccordement au réseau ou la pose d’un ballon d’eau chaude… Peut-on se contenter d’un délai global pour le tout ? Non, a répondu la Cour de cassation dans un arrêt du 20 décembre 202312. Dans cette affaire, la Cour de cassation a considéré qu’un délai global ne suffit pas pour que le professionnel réponde à son obligation d’information. Il faut distinguer le délai des opérations matérielles de livraison et d’installation et le délai d’exécution des autres prestations auxquelles le professionnel s’est engagé. La haute juridiction n’a fait que reprendre une solution qu’elle avait déjà adoptée en 202213. En réalité, il faut véritablement indiquer le délai de pose des modules et celui de réalisation des prestations à caractère administratif. Un seul délai global ne permet pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aura exécuté ses différentes obligations et que l’installation sera véritablement opérationnelle.

On pourrait penser que la même logique s’impose pour l’information sur les prix. De fait, l’indication d’un prix global sans préciser distinctement le coût de la main-d’œuvre et des divers modules ne permet pas à l’acquéreur de procéder à une comparaison entre des biens de même nature offerts sur le marché et de s’engager en parfaite connaissance de cause.

Pourtant dans un arrêt du 11 janvier 202314, la Cour de cassation a jugé que l’indication d’un prix global correspondant au capital financé, sans distinguer le coût de l’onduleur et des capteurs, ni le coût des travaux de pose et celui des démarches administratives et du raccordement au réseau ERDF mis à la charge du vendeur par le contrat, est suffisante pour se conformer à l’obligation d’information du prix.

Dans un arrêt rendu le même jour que l’espèce sous commentaire15, la même question se posait devant la Cour de cassation. En effet, les juges du fond avaient annulé le contrat en se fondant entre autres sur le fait qu’un prix global était insuffisant à caractériser une information pertinente sur le prix. Cependant la haute juridiction a préféré botter en touche. Elle a approuvé la cour d’appel d’avoir annulé le contrat, certes. Mais elle s’est basée sur l’obligation d’information sur les caractéristiques essentielles du bien. En effet, elle considère que la cour d’appel « qui a énoncé que la marque était une caractéristique essentielle du bien, a, par ce seul motif, abstraction faite de ceux critiqués (par le pourvoi) qui sont surabondants, légalement justifié sa décision ».

Pourtant, selon les marques des panneaux installés, le rendement énergétique peut changer, le prix également, et il est alors pertinent d’avoir, en plus de la marque des modules, des détails sur leur prix unitaire. D’un autre côté, il faut reconnaître que la plupart du temps ce qui importe au consommateur c’est de connaître globalement ce que lui coûtera l’opération terminée.

En revanche, un autre argument souvent invoqué est une information incomplète sur le rendement économique de l’installation, arguant qu’il s’agit là d’une caractéristique essentielle.

B – Une clarification nécessaire de la notion de caractéristique essentielle du bien ou du service

La marque est une caractéristique essentielle. Il est bon de le préciser car cela n’était pas du tout évident à la lecture de l’arrêt du 11 janvier 2023 précité, dans lequel on pouvait lire que la cour d’appel n’avait pas justifié en quoi la marque pouvait être une caractéristique essentielle.

S’agissant de la rentabilité économique, la Cour de cassation semble avoir une approche radicale qui consiste à affirmer que la « rentabilité économique ne constitue pas une caractéristique essentielle d’une installation photovoltaïque » sauf si les parties ont entendu que le rendement entre dans le champ contractuel16. Certaines cours d’appel ont suivi ce principe. Ce n’est cependant pas l’avis unanime des juridictions du fond. Ainsi à titre d’illustration on peut citer une décision de la cour d’appel de Chambéry du 30 novembre 2023 qui considère que, pour une installation photovoltaïque commandée dans le cadre d’un démarchage à domicile, les perspectives de rentabilité consécutives à la réalisation des travaux constituent un paramètre d’importance nécessitant la délivrance d’une information pertinente au consommateur de la part du vendeur professionnel, et ce quand bien même ce dernier ne pourrait s’engager sur un calcul scientifiquement exact au regard des facteurs aléatoires17.

Ensuite et comme certains l’ont noté, il faut distinguer rentabilité économique et rendement technique18. Pourtant, bien souvent les deux sont indissociablement liés. Plus une installation produit de l’électricité, plus le consommateur est susceptible de réaliser une économie et donc de rentabiliser économiquement son investissement.

Certes en droit commun, l’erreur sur la rentabilité économique d’un contrat ne peut être qualifiée d’erreur sur les qualités substantielles, sauf à ce que les parties en aient fait une condition de leur engagement. Cela est logique, la rescision pour lésion n’est qu’exceptionnellement admise par le Code civil (C. civ., art. 1168) et une erreur sur la valeur est indifférente (C. civ., art. 1136).

Cependant, à y regarder de plus près, on trouve une définition des caractéristiques essentielles d’un produit ou d’un service sous l’article L. 121-2 du Code de la consommation qui définit les pratiques trompeuses par action. Précisément, l’article L. 121-2, 2°, b), qualifie de pratique trompeuse toute pratique « reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant (…) sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, (…) sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental (…) ».

Or, comme on a pu le souligner19, le résultat attendu de l’utilisation de panneaux voltaïques est la fourniture d’énergie non polluante dans le but ultime de réaliser des économies mises en avant à grand renfort de publicité.

Dès lors, il semble incongru qu’un consommateur puisse en théorie agir sur le fondement des pratiques trompeuses et qu’on refuse de considérer que le professionnel n’ait pas à donner d’information sur les résultats attendus de l’utilisation des panneaux photovoltaïques.

Clairement il semble contraire à l’approche protectrice du droit de la consommation de ne pas exiger à tout le moins une information claire et pertinente sur les aléas qui entourent la production d’énergie solaire et l’impact possible sur la rentabilité économique attendue.

En tout état de cause, même si la décision de la Cour de cassation ouvre la voie d’une meilleure protection du consommateur, elle ne permettra pas de tarir le contentieux.

On ne peut que regretter que le législateur consumériste qui considère qu’un consommateur moyen n’est pas censé savoir qu’en décembre on ne produit pas de cerises dans l’hémisphère nord et impose au professionnel une obligation d’information sur la saisonnalité des fruits et légumes frais qu’il propose à la vente en grande surface (C. consom., art. L.113-3), ne se soit pas saisi précisément de l’obligation d’information mise à la charge des vendeurs de panneaux photovoltaïques, que le contrat soit conclu hors établissement ou pas.


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